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Rue de la graine

Il y a environ un an, le tout Paris branché Fooding salivait à l’idée du projet dit de « La jeune rue » qui consistait à investir une rue entière de la capitale pour y installer des commerces de bouche pointus, chacun dans un cadre pensé par un designer tout aussi pointu. Un fantasme de bobos urbains qui a depuis fait un flop aussi retentissant que le fut son effet d’annonce. La Jeune rue ne grandira jamais, mais marqua sans doute les esprits par la possibilité qu’elle laissait entrevoir de « conceptualiser » un quartier. Après les concept stores, pourquoi pas les « concept streets », des rues positionnées comme des produits avec une promesse d’offres, une cible prioritaire bien précise, un bénéfice psychologique et un univers esthétique affirmé ?

L’idée a germé puisque l’on pouvait récemment lire dans la presse que Paris disposait désormais de sa « Veggietown », « un village vert » dans la ville, ainsi baptisé par l’Association Végétarienne de France et incarné par le regroupement de trois rues du Xème arrondissement où s’accumulent les restaurants végétariens. Un quartier où les écolos seraient par ailleurs sur-représentés si l’on en croit l’analyse des urnes. Après les « rues de la soif » très présentes dans les villes bretonnes, voici donc « les rues de la graine », leur déclinaison bobo-hipster responsable pour la santé et pour l’environnement. Deux visions du monde.

Si l’approche de Veggietown est sans aucun doute plus pragmatique et moins radicale que celle de la Jeune rue, le principe reste le même : attirer l’attention sur un lieu particulier envisagé comme une « mini-république » animée par une communauté de convertis mue par une énergie et une idéologie qui lui donnent le sentiment de participer à l’élaboration d’un nouvel art de vivre. Conséquence ? Une nouvelle géographie de la ville se dessine, marquée non plus par des quartiers de «métiers»  (l’ébénisterie à La Bastille, le textile dans le Sentier, le cristal et la fourrure dans le Xème arrondissement…) ou par des styles de vie (les conservateurs à l’ouest, les bobos dans le centre, les intellos à l’est), mais par une typologie de commerces attractifs où l’état d’esprit, l’esthétique et le militantisme affichés ont autant d’importance que l’offre elle-même.

Les quartiers de Paris redéfinis par le beau et le bon : l’esthétisation progressive du monde est bien à l’œuvre.

So What ?

Pourquoi les marques ne se regrouperaient-elles pas, elles aussi, pour associer une rue à une destination particulière ? Une rue du petit-déjeuner, une rue de l’apéro, une route du thé ?...

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