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Un croquis de mémoire

Dans les milieux autorisés, on parle beaucoup de branding. Inutile d’expliquer ici, nous sommes entre pros… Le « blanding » demeure en revanche largement méconnu. Il concerne pourtant tout autant le petit monde de la marque. Le blanding, que l’on pourrait rapidement définir comme le contraire du branding, consiste à affadir (to bland) l’ADN d’une marque en ayant recours aux mêmes choix typographiques que les autres intervenants de son secteur d’activité. Le blanding est particulièrement visible dans le monde du luxe où toutes les typographies se sont simplifiées au fil du temps pour se délester de toute appartenance culturelle. Ce travail est souvent produit par les mêmes studios d’identité graphique, Peter Saville et Borsche, décrétés lieux de la modernité visuelle. Il est amusant que constater que les marques de mode, qui ne cessent de prôner l’affirmation de soi et la singularité, sont précisément celles qui optent pour le neutre et le consensuel lorsqu’il s’agit de définir leur propre identité…

Dans ce contexte consensuel destiné à séduire les Millenials du monde entier, la récente collaboration entre la vénérable maison Louis Vuitton et l’artiste trublion Urs Fischer a des allures de bonne nouvelle. Voilà l’iconique logo LV malmené par l’artiste pour le plus grand bien de la marque. La preuve que le logo n’est pas toujours aussi intouchable qu’on le dit et qu’il n’a pas, non plus, la même fonction qu’un nom. Le nom, c’est l’identité de la marque. Son logo, la manière dont elle a décidé de se présenter. Pourquoi une marque se présenterait-elle toujours sous le même jour en cette époque où chacun est animé (parfois obsédé) par l’idée de se réinventer ?

Contrairement aux autres projets initiés par la maison de luxe avec des artistes, l’intervention de Urs Fischer ne s’est pas limitée à réinterpréter des sacs best-sellers, histoire de leur donner un vernis culturel. L’artiste est ici aussi intervenu sur les vêtements, les sneakers et même sur la mise en scène des vitrines et l’animation des réseaux sociaux via la conception de vidéos ludiques. Cette liberté n’est pas si fréquente. Mais le plus inattendu et le plus remarquable est son travail sur le monogramme. Partant du principe que celui-ci était universel, l’artiste a choisi de le reproduire à la main, comme un « croquis de mémoire » ainsi qu’il l’explique dans la presse. Une irrégularité revendiquée comme trace de l’homme dans un monde standardisé. Un souvenir de logo plutôt qu’un logo reproduit à la perfection. Une manière de nous dire que le logo nous appartient puisqu’il est dans nos têtes.

So What ?

Les marques de luxe se contentent souvent de jouer avec la taille de leur logo. Une fois XXL, une fois XXS. Ne pourraient-elles pas aller un peu plus loin et assumer de jouer avec son apparence ?

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