15 mai 2023

Eaux de gamme

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Plus le niveau des nappes phréatiques baisse, plus il paraît délicat de vendre de l’eau. Vendre quelque chose qui devient rare, c’est forcément le vendre cher. Mais lorsqu’il s’agit d’un produit aussi universel que l’eau, le message n’est pas toujours facile à avaler. De bien commun, l’eau pourrait passer du côté des biens de luxe, comme vient nous le rappeler chaque année Evian avec ses partenariats chic, parfois loin de la pureté et de l’essentialité auxquelles la marque pourrait aspirer.

Après Virgil Abloh, Elie Saab, Kenzo et quelques autres, c’est la maison Balmain qui a, cette année, collaboré avec Evian pour proposer une ligne de vêtements et d’accessoires pointus dont les prix atteignent des sommets. Pas forcément opportun en cette période de tension budgétaire et de crispations écologiques... Signe que les temps ont (subitement) changé, ce qui avait l’habitude d’être convoité par des influenceuses suscite aujourd’hui la polémique sur les réseaux sociaux. Toutes les précautions d’eco-respectabilité avaient pourtant bien été prises puisque les produits proposés dans le cadre de cette collection capsule (qui n’a jamais aussi bien portée son nom) étaient irréprochables : packaging recyclé, coton bio, viscose durable… Together, change is beautiful affirmaient les deux marques réunies pour la circonstance. Affaire de goût.

Dans les épiceries fines et dans certaines grandes surfaces, des rayons « eaux de luxe » ont fait leur apparition. Elles viennent toujours de très loin ou de très profond. Un gage de pureté et tant pis pour l’empreinte carbone de leur transport. Elles s’appellent Bling H20 (au moins, c’est clair), Svalbardi (issue d’iceberg polaire), Berg, Kona Nigari, Inland Ice ou King Island Cloud Juice… Leur simple évocation donne le sentiment de toucher l’inaccessible. Leurs bouteilles sont en verre, leur forme minimaliste et leur typo soignée comme autant de clins d’œil à l’univers du parfum ou du vin. Le métier de « water sommelier » existe d’ailleurs déjà, preuve que le marché a de l’avenir.

Dans le monde de l’édition, il existe une catégorie nommée « coffee table books » pour désigner ces ouvrages destinés à être exposés plutôt que lus. Ici, on pourrait parler de kitchen shelf bottles, tant il est clair que ces bouteilles ne finiront que rarement dans une poubelle verte. Leur manière à elles d’être responsables.

Une des missions du marketing est de faire monter en gamme les produits les plus familiers. Les marques gagnent en statut, les consommateurs en expertise. Encore faut-il que la planète n’y perde pas.
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