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Fake food

Difficile d’échapper au phénomène des dark kitchens qui seront considérées, dans quelques années, comme l’une des expressions majeures des effets de la crise sanitaire sur nos habitudes de consommation. En d’autres temps, qui aurait pu imaginer un restaurant sans salle et même sans cuisinier ? Sans salle car, dans une dark kitchen, sitôt prêts, les plats sont servis, non sur tables mais sur scooters ou vélos pour être livrés avant qu’ils ne refroidissent. La salle, ce sera chez vous. Sans cuisinier, car le profil des plats proposés ici ne suppose pas plus de compétences que celles nécessaires pour éplucher des pommes de terre. Il suffit de savoir lire une fiche technique qui décrit avec précision les différentes étapes de l’assemblage d’ingrédients, pesés au gramme près, qui conduiront à la réalisation d’un plat parfaitement conforme à sa promesse d’apparence portée par Instagram. Bien loin de l’idée de la cuisine comme maîtrise d’un savoir-faire, fait de compétences, d’intuition et d’expérience acquises au fil du temps. Les dark kitchens n’influencent ainsi pas seulement l’organisation des restaurants, mais aussi le contenu de nos assiettes… 

D’ailleurs, que nous proposent-elles dans leur logique dominée par une quête d’efficacité indissociable de leur business model ? Des burgers, bien sûr. The new pizza, l’investissement du four en moins. Mais aussi, désormais, des poke-bowls, des bo-buns vietnamiens, du poulet frit coréen (dégoulinant de sauce et parsemé de graines de sésame) et des sandwichs clubs asiatiques à l’esthétique soignée. Soit un nombre (très) restreint de plats, tous conçus pour être réalisés rapidement (une dizaine de minutes entre la validation de la commande et sa remise au livreur), satisfaire une légitime envie de renouvellement sans susciter trop d’hésitations et être adaptés à des contenants spécifiquement conçus pour assurer une livraison « en forme ».

Enfin, à la différence des restaurants qui ne sont souvent que des enseignes, les dark kitchens sont, elles, des marques qu’il faut positionner et nourrir de belles histoires. Un chef cathodique par-ci, des jeunes cools et passionnés par-là ou encore des recettes exclusives. Les ressorts sont toujours un peu les mêmes et l’objectif est, bien sûr, de créer de la proximité et de l’engagement grâce à une présence soutenue sur les réseaux. De là à penser que le contenu de marque soit devenu plus important que le contenu de l’assiette…

So What ?

Les dark kitchens viennent se loger entre les fast-foods et les restaurants traditionnels. Entre l’accessibilté des premiers et l’instagrammabilité des seconds. C’est en hybridant le présent que l’on voit surgir le futur…

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