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Incarnation

Il y a peu, le groupe Lagardère annonçait son intention de se lancer sur le marché de l’hôtellerie avec deux concepts inédits, déclinés de Elle, son magazine phare : Maison Elle et Elle Hôtel. Maison Elle ouvrira ses portes dès l’automne prochain, près de l’Arc de Triomphe. Elle disposera de 25 chambres, d’une suite et d’un spa, et entend incarner « l’art de vivre à la française » via des connexions avec la ville, la mode, la culture et des rencontres avec des femmes inspirantes. Quant au Elle Hôtel, son ouverture n’est, pour le moment, prévue qu’au Mexique. Le lieu sera marqué par la protection de l’environnement et la durabilité grâce à des collaborations avec des talents féminins locaux, des artisans et des designers.

L’annonce vient d’abord souligner le poids économique du tourisme, nouvelle manne capable de revigorer à la fois un commerce qui peine à continuer de séduire, des restaurants tentés par la vente à emporter et des quartiers entiers. Et tant pis si le prix à payer est la perte de leur vérité. Les touristes sont devenus l’ultime population à chérir et il est désormais fréquent de trouver des magasins et des restaurants exclusivement conçus pour les séduire. Sans aucune racine locale, ni authenticité, mais conformes à ce qu’ils recherchent. Fausses vraies brasseries, faux vieux magasins ou produits, fausses histoires… certaines rues de la capitale se sont déjà largement disneyisées.

Les futurs hôtels Elle viennent aussi confirmer la mutation des attentes de ceux qui voyagent, plus avides d’expériences festives et hédonistes que de rencontres avec une population locale. Il suffit de tomber sur les images des campagnes publicitaires imaginées en ce moment par chaque pays pour constater combien elles sont interchangeables. Street-food, spritz en terrasses, massages, plages, kite-surf, selfies et trottinettes pour tous. Des sensations présentées comme inoubliables sur fond de décors à peine spécifiques. L’important n’est plus de voir mais de vivre.

Le projet du groupe Lagardère vient enfin illustrer la tentation de toutes les marques de s’incarner sous la forme d’un lieu, manière pour elles d’exister différemment et de renouveler leurs relations avec leurs acheteurs. Pour un titre de presse, la survie tient donc désormais à sa capacité à se réinventer en marque à vivre et à faire semblant d’oublier qu’il est d’abord une marque à lire. Il fut un temps où il lui suffisait de défendre une opinion pour exister.

So What ?

Les titres de presse sont appelés à exister sous de nouvelles formes : hôtels, événements, produits dérivés. Et pourquoi pas, aussi, comme garant d’une offre alimentaire ou de service ?

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