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La table par le menu

Au Musée des arts décoratifs de Bordeaux se tient actuellement une exposition autour du thème des menus. L’occasion de revivre quelque 200 dîners prestigieux, hantés par les présences de Jacky Kennedy, du Shah d’Iran ou de la Reine Elisabeth. Un pan d’histoire entier à table. Des menus dans un musée, voilà qui en dit long sur le pouvoir fantasmatique acquis aujourd’hui par la nourriture. Dis moi ce que tu manges, je te dirais à quelle époque tu vis. Il est vrai que la table et les menus racontent parfois mieux leur temps que toutes les peintures et sculptures réunies. Ils parlent bien sûr de notre relation à la nourriture, mais communiquent également des dimensions symbolique et esthétique.

Qu’est-ce que les menus de l’ère fooding raconteront, demain, à ceux qui se pencheront sur les années 2000 ? Leur forme, tout d’abord, les renseignera sur notre penchant pour les mises en scène d’une simplicité étudiée, dont la vertu est de communiquer la complicité et la proximité entre le chef et ses convives. Souvent des feuilles de papier libres, blanches ou couleur kraft, sur lesquelles le menu a été imprimé (voire écrit à la main) le matin pour la journée. Pas de fioritures. Deux entrées, deux plats, deux desserts. Parfois trois. Rarement plus. A peine le nom de l’établissement et une date. Le chef est inspiré comme un auteur.

Le choix des mots, ensuite. Peu de descriptions de plats, encore moins d’envolées lyriques, pas toujours faciles à comprendre, mais des listes d’ingrédients précis, sourcés et porteurs de forts imaginaires. Légumes oubliés, poissons rares, viandes d’exception, fruits aux consonances exotiques. Quelques références géographiques sur les origines, complétées de précisions scientifiques sur les modes et les températures de cuisson. Parfois le cru est préféré au cuit. Une vision du monde. Un état d’esprit.

Le menu est là pour porter la créativité et les talents du chef, mais aussi pour rendre hommage au goût et à la noblesse des « produits » élus. Imagine-t-on un menu fooding proposant une « salade croquante en costume de nos régions », suivie d’un « trésor de l’océan » ou d’un « prince des près à la saveur champêtre », pour terminer avec une « cascade de gourmandises » ? De la sobriété, de la créativité expérientielle et une touche de conscience environnementale : voilà qui décrit plutôt bien les attentes du moment.

So What ?

Si hier les noms des plats et l’énumération de leurs ingrédients contribuaient au fantasme de l’assiette, ce sont aujourd’hui le choix des ingrédients et leurs modes de cuisson qui ont pris le relai auprès des millennials. Une approche de pro…

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