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Le laid, le nouveau beau

Crédits photos : Balenciaga / Birkenstock

Fin mars, Balenciaga, la marque de luxe hype inaugurait sa dernière boutique à Londres sur New Bond Street. Une poignée de jours après celle de Dior. La comparaison est saisissante. Ici, point d’héritage, de tradition, de chaises Louis XV ou d’ateliers ressuscités, mais une architecture brutaliste, grise, froide et sans désir d’épater. 700 mètres carrés, murs en béton brut, porte d’entrée en acier, installations et circuits électriques laissés à nu au plafond, éclairage industriel, escalier central doté de dalles de verre et cage d’ascenseur vide. Un magasin dont la conception, délibérément inachevée, est au service d’une vision moderne et austère du luxe, élaborée pour ne pas faire l’unanimité. Aux antipodes des codes ostentatoires du secteur« Chaque niveau représente un stade de détérioration ou de construction, avec du béton taché et fissuré, de l’acier oxydé, des tissus abîmés, de la poussière stabilisée et des incrustations imitant des moisissures » précise la marque… Ambiance post-apocalyptique garantie.

Le pouvoir du luxe ne tient-il pas à sa capacité à transcender les habituelles oppositions beau/laid (trop petit bourgeois) pour suggérer de nouveaux modèles esthétiques ? Il n’y a pas si longtemps, tout le monde s’accordait pour trouver les chaussettes blanches inenvisageables et les Birkenstock inregardables. Or, depuis deux saisons, les premières sont devenues l’accessoire incontournable du cool et les secondes (désormais dans le giron LVMH) ont accédé au statut jalousé de produit iconique grâce à des matières renouvelées et à d’innombrables collabs’ avec de grandes marques, preuve ultime de leur désirabilité. Il arrive (de plus en plus souvent) que le moche d’hier (le ringard, le beauf) devienne le beau d’aujourd’hui (le cool, le désirable).

Pourquoi maintenant ? Parce que si les réseaux sociaux contribuent à produire du conformisme, ils invitent tout autant ceux qui veulent s’y particulariser à adopter des codes et des pensées à contre-courant. Seule manière d’émerger dans le flot continu… en attendant de devenir, à son tour, une nouvelle forme de conformisme… L’architecture brutaliste ne devrait pas manquer de se multiplier dans notre quotidien. Ça nous changera des murs de couleurs (bleu canard, rose poudré, terracotta), des carreaux de ciment dépareillés, des sièges en velours et du laiton doré qui dominent toute la déco actuelle. Bonne nouvelle.

So What ?

Bouleverser les codes de son marché, sortir d’une zone de confort esthétique, suggérer de nouvelles règles, inverser le beau et le laid…. Le pouvoir des marques fortes.

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