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L’être et l’avoir

Certains continuent d’affirmer sur les antennes que les Français « du monde d’après » auraient pris leurs distances avec la consommation, qu’ils seraient devenus plus responsables et conscients des différents enjeux humains et écologiques qui lui sont désormais associés et, aussi, sensibles comme jamais aux engagements des entreprises. Pourquoi pas. Pourtant, le week-end dernier, particulièrement pluvieux et venteux (un temps à ne pas mettre un consommateur dehors) avait à peine commencé (comprenez : dès le vendredi après-midi) que l’on pouvait s’étonner de voir à Paris deux files d’attentes pleines de parapluies.

La première, rue de Richelieu, la seconde, rue Saint-Merri. Mais que s’y passait-il donc ? Ce que tous ceux qui ignorent l’existence des Bodin’s (et encore davantage leur voyage en Thaïlande) attendaient depuis des jours en trépignant. Rue de Richelieu, l’ouverture d’un magasin rose shocking entièrement constitué de distributeurs automatiques 24/24 (le temps du week-end) exclusivement mis au service de la vente du nouveau sac « Bambino long » signé Jacquemus, rose shocking lui aussi. Drôle et disruptif. 715 euros tout de même.

Rue Saint-Merri, celle du pop-up de Monoprix dédié à la vente et la réédition de certaines de ses anciennes collab’ design des années 70-80, un temps où Prisunic existait encore, ainsi, qu’au passage, d’autres plus récentes et même inédites, commandées aux designers avec qui l’enseigne collaborait cinquante ans plus tôt. Entre mise en abime et cérémonie d’autocélébration à des prix oscillants entre 25 à 250 euros.

Les esprits contrariants ne manqueront pas de souligner le caractère parisien et « élitiste » de la situation (mais l’élitisme en consommation ne serait-il pas finalement ce que les économistes nomment l’arbitrage des dépenses ? Les autres ne pourront que constater que l’appétence pour la consommation n’a pas complètement disparu. Pour peu que soient respectées certaines formes et conditions, devenues au moins aussi déterminantes que l’objet du désir lui-même. Ici, les deux silex à frotter pour voir naître la flamme du sentiment de vivre une expérience unique se nomment « être là où tout le monde ne pourra pas être » et « accéder à quelque chose que tout le monde ne pourra pas avoir ».

L’éphémère et le rare comme expressions de l’être et de l’avoir au temps des réseaux.

So What ?

De plus en plus rapide sur le net et les réseaux, l’acte d’achat est aussi de plus en plus stimulé par la rareté dans le monde réel : collabs, pop-ups, séries limitées, drops… Peu à peu, le temps mute en instant.

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