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Moche et bon

C’est une belle opération qu’a menée, le 21 mars dernier, le magasin Intermarché de Provins. Bien pensée, bien communiquée. Une opération qui s’inscrivait dans le programme européen de lutte contre le gaspillage et qui consistait à vendre, à prix discount, des fruits et légumes «moches». Comprenez : non calibrés. Pour l’occasion, le point de vente s’était doté d’une tête de gondole où se côtoyaient 1200 kilos de carottes, pommes et oranges «moches». Impressionnant. Des «soupes de carottes moches» et des «jus aux oranges moches »réalisés sur place étaient même proposés aux clients pour animer l’opération.

L’initiative est d’autant plus intéressante à relever qu’elle peut être lue comme un acte de mea-culpa, puisque c’est la grande distribution qui a imposé la standardisation des fruits et légumes… Au delà de cet exercice de repentir symbolique, elle mérite aussi attention puisqu’elle prend à rebrousse-poil le mouvement de notre société vers toujours plus de beauté et de perfection. Une nouvelle voie pour le bas prix s’ouvre ici.

Après le low-cost de moindre qualité, le low-cost en grande quantité, le low-cost sur palettes ou le low-cost glamour (pas cher mais toujours à la mode), place au low-cost à l’esthétique «low». Moins cher car moins beau. Le filon n’est pas prêt de s’épuiser.

Jouer sur une apparence «en rupture» n’est pas une mauvaise idée. D’une part, parce que tous les consommateurs ne sont pas guidés par des préoccupations esthétiques. D’autre part, parce ce que ce qui échappe aux normes est aujourd’hui recherché et valorisé car vécu comme un signe d’authenticité, de rusticité et de naturalité. Les vertus du moche ont de quoi séduire toutes les populations aux penchants bobo.

La presse ne cesse, depuis quelques semaines, d’évoquer le phénomène du «normcore» : paraître banal, quand tout le monde cherche à se construire un style et à s’attribuer une attitude. Une nouvelle normalité est en route. Le moche est du voyage.

So What ?

Le «parfait» est du domaine de l’industriel et de la norme, quand «l’imparfait» est synonyme de vivant et d’humain. Les attentes des consommateurs ne sont-elles pas en train d’évoluer vers ces derniers ?

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