18 septembre 2023

La baguette nation

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En voyant la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de rugby, ceux qui se souvenaient du défilé du bicentenaire de la révolution française imaginée par Jean Paul Goude en 1989 pour les Champs-Élysées ont dû être heureux d’avoir été jeunes. Qu’il semblait loin le temps où les valeurs et la tradition françaises se conjuguaient au futur et à la créativité. Ce soir-là, dans un Polly Pocket géant posé au milieu d’un stade, le monde entier découvrait le Village de l’ovalie, la vitrine 2023 de notre beau pays. Depuis Astérix, la France n’est pas un pays mais un village. Rien d’étonnant, donc.

Là, dans un décor de carton-pâte où Casimir aurait pu faire une apparition, défilait tout ce qui fait la réputation de notre beau pays avec, en tête de gondole, cet acteur au nom si français, amateur de café Nespresso à ses heures, mais déguisé pour l’occasion en boulanger à casquette livreur de pain en triporteur et cet autre, habitué des sommets du box-office, affublé, lui, d’un képi et d’un sifflet d’agent de la circulation, tous deux suivis par une flopée d’artisans de bouche, joyeux et gourmands, et par une incarnation simplifiée de la mode : une grande blonde avec une robe rouge. So french. Le tout sur fond de rengaines démodées, d’accordéons virevoltants et de l’incontournable tour Eiffel sans laquelle les touristes seraient perdus. Un spectacle dystopique. Et dire que, depuis 2017, on ne parle que de start-up nation. C’était oublier un peu vite la baguette nation.

S’il y en a une qui aurait adoré être in the stade of France (dans la loge présidentielle ?), c’est bien Emily. Tout le monde se moquait d’elle avec son béret rouge, ses obsessions pour la french baguette et les cafés en terrasse, mais c’est elle qui a raison. La France est bien sa France à elle et tous ceux qui veulent nous faire croire autre chose ne sont que les auteurs d’un immense fake. Ce soir-là, les Français se reconnaissaient à leurs couvre-chefs, à la place accordée à la viande et au pain dans leur assiette et à leur gaité stimulée par un p’tit coup de rouge. Jamais l’expression « du pain et des jeux » n’avait semblé aussi juste.

Nous achetons déjà de la lessive Bonux et du chocolat Merveilles du Monde, demain nous roulerons en R5. Il ne nous reste plus qu’à aller acheter des produits Prisunic et attendre que Mammouth vienne écraser les prix. Quoi de plus rassurant qu’un futur qui ressemble au passé ? Vivement demain.

Le marketing intergénérationnel n’en est qu’à ses débuts : des marques disparues qui ne reviennent pas à l’identique mais seulement avec leur apparence d’hier. Un présent emballé dans du passé, une nostalgie déculpabilisée.
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