10 juillet 2023

Le bien public

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Personne ne peut l’ignorer. Certains peuvent s’en désoler. Notre époque restera pour l’éternité celle où tout est noté, évalué, estimé. Comme si exister ne pouvait plus désormais s’envisager autrement que par comparaison et par l’approbation d’autrui. Je suis ce que les autres décident de qui je suis.

Cette « notite » aiguë, caractérisée par des fièvres soudaines d’étoiles ou de pouces levés, a commencé sur le site de AirbnB pour appâter les nouveaux clients, puis sur celui des hôtels et restaurants en quête d’image et de notoriété jusqu’à finir dans tous les replis de la vie quotidienne : sitôt une conversation téléphonique terminée avec un « conseiller » ou après un voyage en train, avion ou co-voiturage.

L’étape d’après ne pouvait être que celle des scores. Même principe, une note en plus. Nutri-Score pour les produits alimentaires, Etiquette énergie pour les produits électroménagers, Diagnostic de performance énergétique pour les biens immobiliers, sans oublier le célèbre Eco-score de Yuka, dégainé devant un linéaire sitôt les premiers signes de désir pour un produit émis… Au moment où l’UFC-Que Choisir nous apprenait que le Nutri-Score avait eu pour effet d’inciter les industriels à modifier leurs recettes pour en améliorer la valeur nutritionnelle, voilà que débarque le Resto-Score.

Initié par Ecotable, le label de la gastronomie écoresponsable, le Resto-Score (non obligatoire) permet d’identifier les restaurants aussi bons pour la santé que pour la planète. Il est le résultat d’un audit réalisé à partir de 150 critères permettant d’appréhender l’interdépendance entre la santé humaine, la santé animale et la santé planétaire. Il donne lieu à une note sur cent points, convertie en une lettre allant d’un A vert à un E rouge. Jusqu’à présent, les tables n’étaient évaluées que par des étoiles attribuées par des guides ou les avis de leurs clients. Elles vont désormais l’être à l’aune de leur responsabilité environnementale. Les constructeurs automobiles et immobiliers connaissent déjà…

Demain viendra sans doute le tour du commerce, des grands magasins aux supermarchés en passant par les réseaux d’enseignes. Peu à peu, la figure du consommateur se superpose à celle du citoyen pour donner naissance à un nouvel imaginaire : je consomme, donc je prends soin des autres. Qui aurait pu imaginer que la consommation ait, un jour, ce pouvoir ?

Si les scores « responsables » permettent de sensibiliser les consommateurs à de nouveaux enjeux et, ainsi, d’orienter leurs choix, attention toutefois à ne pas trop les multiplier sous peine de confusion…
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