13 février 2017

Le temps de l’imperfection

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Rapprocher certaines expositions nous offre parfois un saisissant raccourci de notre époque. Courant janvier, chez Merci, le temple de la bien-pensance bobo-urbaine, s’est tenue une « exposition » autour du thème de « l’imparfait ». Pas une conjugaison du passé, mais du futur. Merci oblige. Comprenez : les objets imparfaits auraient de l’avenir. L’occasion de découvrir des produits qui affichent (fièrement) leur singularité. Bien loin des productions standardisées et du zéro défaut. Cuisson farceuse qui donne des tasses jumelles, chaleur trop intense qui déforme le verre, travail brut de la matière et absence de lissage… Laisser une part de hasard à la technique pour créer l’unique, voilà l’idée. L’occasion de découvrir des produits sincères, vrais, artisanaux qui mettent en valeur l’empreinte humaine. Accidentés, réparés, ébréchés, tordus, martelés, irréguliers, fêlés, singuliers et émouvants. Un nouveau vocabulaire à conserver comme source d’inspiration.

Au même moment, au Musée des Arts Décoratifs, c’est l’expo « Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale » (jusqu’au 17 avril) qui fait le buzz. Avec, comme exemple central, le jean troué, déchiré, lacéré, cisaillé, ruiné, l’ultime invention du Sentier pour s’assurer de confortables revenus à moindre frais. Trop fort. Le pire étant que tout le monde suit le mouvement, de Margiela, Dsquared, Galliano à Cheap Monday et H&M. Ces modèles ont refait surface il y a trois ans et leur attrait n’a pas, depuis, faibli.

En voilà assez pour y lire une forme de rupture avec les habitudes dictées par notre société de maîtrise et de contrôle. L’objet imparfait n’a jamais été autant désiré. Faut-il y lire une forme de rébellion ? Une manière de protester ? Le signe d’une lassitude pour un parfait trop facile à reproduire ? Le début d’un nouveau paradigme ? C’est, en tous cas, un signe à suivre qui nous envoie des messages contradictoires sur nos attentes actuelles : une offre pauvre et riche à la fois, car « moins belle» et « plus chère » que les autres. Singulière (au début) et conforme (très vite). Créative (dans son excès) et banale (dans sa systématisation). Voire sexy et unisexe pour les vêtements abimés.

Ceux qui cherchent à faire rentrer chacun dans une case devront repasser. En brouillant les frontières, l’imperfection, loin d’être un frein, s’affirme bien comme le moteur actuel de nos désirs.

Comment injecter une touche d’inattendu et de provocation dans son offre ? Voici la question que devraient se poser toutes les marques désireuses de séduire les amateurs d’ambivalence. Les millennials, mais pas seulement…
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