9 mars 2020

Un monde de brut

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Le mois dernier, la maison Louis Vuitton présentait à un public choisi un diamant brut hors norme, gros comme une balle de tennis. Peu de gens l’ont vu, mais tout le monde en a parlé. L’objectif de la marque était de prendre pied sur le marché très fermé de la haute joaillerie, segment du luxe qui échappe encore au tentaculaire groupe LVMH. Baptisé « Sewelô », ce qui signifie « découverte rare » dans la langue tswana, parlée au Botswana où il a été extrait, ce diamant n’a pas encore été taillé, ni même poli, et reste mystérieusement caché sous son enveloppe de carbone noir originel. Avec un poids de 1758 carats, soit environ 350 grammes, il est le deuxième plus gros diamant brut au monde et devrait donc donner lieu, après taille, à de nombreux bijoux signés LV.

Le plus intéressant dans cette histoire n’est pas le poids du diamant, mais que, pour la première fois, un diamant brut soit montré alors qu’il ne ressemble à, ce stade, qu’à un bloc noir moins attrayant qu’une toile de Soulages. Ce choix ne serait-il pas parfaitement significatif de l’attachement de notre époque au brut ? Au siècle dernier, les carottes présentées à la vente étaient toujours impeccables. Aujourd’hui, elles revendiquent une appellation « de pleine terre » et le prouvent visuellement. Les plaquettes de chocolat et les biscuits aiment se présenter sous une forme imparfaite, histoire de souligner leurs origines artisanales. Dans les magasins de mode, on met en scène le coton et les fils, on parle de laine mérinos, de cachemire grade A, de jeans bruts. En déco, il n’y en a que pour le bois brut, le béton brut et le métal brut, très appréciés des urbains dès lors qu’il faut donner une touche écolo, cool ou arty à une ambiance. Certains restaurants portent le nom brut pour bien affirmer que chez eux, on est dans le vrai des matières premières. Car la voilà, la nouvelle équation magique : brut égal vrai, ce qui dans un monde peuplé de concepts, est loin d’être anecdotique.

Ne serions-nous pas en train de dépasser le monde de l’apparence pour entrer dans celui de la matière ? Entrer dans cette dimension, c’est connaître les origines et les savoir-faire, s’intéresser à ce qui était là avant, donner à la main de l’homme le pouvoir de transformation. Une manière de venir rappeler que le brut est la mesure de toute chose. On l’avait un peu oublié…

Notre goût actuel pour le brut est à décrypter comme un signe supplémentaire de notre envie de revenir aux origines et à une forme de simplicité. Il était temps.
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