4 septembre 2023

Le regard de Barbie

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Cet été, le film Barbie n’a pas seulement fait exploser le box-office (plus de 5 millions de spectateurs), il a aussi stimulé les prises de paroles. Qui n’a pas publié son post sur LinkedIn pour questionner la prétention féministe du film ou s’inquiéter de la dérive commerciale de la production cinématographique de plus en plus aux mains de marques toujours soupçonnées de pervertir la création avec leur argent ? Le film offre pourtant d’autres grilles de lecture.

Le monde de Barbie, opposé au vrai monde, n’est d’abord qu’une vision actualisée des principes de plaisir et de réalité théorisés par Freud. A Barbie Land, notons toutefois que le principe de plaisir est incarné par une paire d’escarpin alors que celui de réalité l’est par une paire de Birkenstock. Plaisir n’y rime donc pas avec confort, mais d’abord avec séduction. Une idée un peu perdue de vue dans la mode depuis le confinement…

Le film met aussi en scène une manière d’être déjà à l’œuvre dans la série Emily in Paris consistant à moins s’attacher à la réalité qu’à la manière dont on veut que celle-ci apparaisse. Hasard du calendrier ou non, le Manifesting est la nouvelle martingale du moment. Au carrefour de la spiritualité et du développement personnel, il consiste à formuler ses désirs pour les faire advenir. La façon dont vous pensez crée votre réalité est son crédo. Barbie ne pourrait qu’acquiescer, elle qui évolue dans une réalité déniée, à la fois matérielle et immatérielle, entourée d’objets de fiction où le geste vaut l’action. Barbie ne boit pas d’eau, mais manipule un verre, elle ne mange pas de toasts au petit-déjeuner, mais les dispose sur une assiette, elle ne conduit pas mais tient le volant de sa voiture. À Barbie Land, l’exécution d’un geste suffit pour jouir de ce que l’on possède. Le plaisir sans risque et sans effet. Le Metaverse n’est pas loin.

Le film aborde enfin la loi très contemporaine du regard de l’autre que les influenceurs connaissent bien. Chaque Barbie est un miroir pour toutes les autres et le Hi Barbie ! qu’elles se renvoient frénétiquement est autant une manière de se checker que de contrôler que chacune est bien dans son rôle. Je n’existe que par la place que j’occupe dans le regard de l’autreA Barbie Land, tout n’est finalement qu’affaire de regard. Est-ce vraiment différent chez nous ?

Luxe, beauté et hospitality ne proposent-ils eux aussi pas à leurs clients d’accéder à un monde de séduction et de plaisir qui les tient à distance de la réalité ? Quelle est la plus Barbie des marques de ces secteurs ?
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